Les pierres de Valette

         Nous nous étions endormies un instant. Un an, dix ans, cent ans … peut-être plus… les plus vieilles d’entre-nous s’en souviennent. Nous étions là, serrées les unes contre les autres, cimentées par l’âge et le temps.
         Nous étions nombreuses, solides et fières.
         Le chant des pères nous ont bercées, les eaux de la rivière nous ont envoutées, venant nous caresser de leur fraicheur par ces mois d’août orageux.
         Plus tard, beaucoup plus tard, il y eut quelques rires d’enfants, un homme tout de noir vêtu voyant en nous un rêve fou.
         Nous nous sommes endormies au fond de notre vallée, aux cris des pipistrelles et du coucou, au rythme des flots, de la douceur de vivre.
         Et ils sont arrivés, ont farfouillé nos entrailles, nous ont séparées, nous faisant basculer dans le vide. Et ce bruit, ce tonnerre, ce souffle qui nous projette loin les unes des autres. La poussière, nos cris silencieux.
Oh, mes amies, où êtes-vous ? Qu’on-t-ils fait de nous ? Nous formions un si bel édifice. Nous avions entendu et retenu de si belles prières, abrité de si belles âmes… Pourquoi nous mettre à terre ainsi ?
         Autrefois je dominais la Dordogne du haut de ce mur ancestral. Près d’une fenêtre j’admirais mes sœurs taillées avec soin pour former l’ouverture. Aujourd’hui je gis nez en terre et ne vois plus rien.  
         Peu à peu l’eau froide de la rivière est venue lécher ma vielle carcasse. Puis m’a totalement engloutie. J’ai connu là le monde du silence. Je me suis à nouveau endormie, seule avec mes souvenirs.
         Parfois la lumière apparaît, les rayons chauds du soleil réchauffent mes angles gourds. J’entends à nouveaux les hirondelles et les mésanges, le feuillage que le vent agite doucement.
         Mes sœurs aussi sont à terre, entassées ça et là. Certaines tiennent encore debout, témoignage de notre grandeur. Allez les filles, tenez bon. Ni la dynamite ni les flots ne vous ont détruites, tenez bon mes sœurs.
 Visiteurs de ces ruines, de ces pierres éparpillées, écoutez nos pleurs, entendez notre complainte. Ici quelques hommes avaient fait de nous un symbole, un lieu de paix, un abri .D’autres l’ont détruit. Mais nous sommes toujours là, témoins d’une époque révolue.
         Prenez donc le temps de vous asseoir sur l’une d’entre-nous. Elle se fera douce et bon siège. Nous vous raconterons l’histoire les pères qui un jour ont découvert notre vallée …








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